Au moment où ce nouveau numéro de Spécificités paraît, nous pleurons notre collègue et ami Alain Lenfant, disparu le 1er décembre 2025, et dont l’engagement intellectuel, universitaire et humain a profondément marqué l’Université Paris Nanterre. Ingénieur de recherche à l’Université Paris Nanterre, enseignant en économie et en politique sociale en formation initiale et continue, Alain Lenfant a pendant de longues années collaboré aux travaux de l’équipe « Crise, École, Terrains sensibles » du Cref (Centre de Recherches Éducation et Formation). Ses travaux ont porté notamment sur la pauvreté, la désaffiliation et les dynamiques migratoires, avec un souci constant de mise en partage des savoirs et de transmission. Étudiant à Nanterre en 1968, secrétaire de l’Unef Nanterre, militant de la JCR et membre du Mouvement du 22 mars, Alain Lenfant a été l’un des acteurs centraux de cette séquence historique marquante. Cet engagement n’a jamais cessé d’alimenter sa réflexion et son travail, qu’il a poursuivis tout au long de son parcours universitaire, personnel et militant. Au sein de la revue Spécificités, Alain Lenfant a joué un rôle central. Il a coordonné plusieurs numéros, dont « Actualités de la pauvreté et de la désaffiliation » en 2014, et plus récemment « 22 mars 1968, une journée monde ». Ce dernier numéro a représenté pour lui un chantier particulièrement important, investi sur la durée, tant sur le plan scientifique qu’éditorial. Il y voyait un travail de mémoire et d’histoire, collectif et exigeant, destiné à articuler témoignages, analyses et mises en perspective, loin de toute approche commémorative simplificatrice. Très engagé dans la vie collective de la recherche, Alain Lenfant assumait également des responsabilités associatives liées à de grandes causes, souvent discrètes mais essentielles, qu’il exerçait avec rigueur, modestie et sens du collectif.

La parution de ce numéro de Spécificités constitue ainsi l’aboutissement d’un travail auquel il tenait particulièrement. Nous souhaitons qu’il soit aussi l’occasion de saluer son engagement, sa constance et sa fidélité à l’université, à la recherche et à la revue.

Ce numéro lui est dédié, en hommage.

Présentation du numéro. Nanterre est une université à laquelle est accolée dans la mémoire collective plusieurs temporalités : une année, celle de 1968   un mois de cette année-là, celui de mai ; enfin, une journée, celle du 22 mars 1968. Deux ou trois années avant le cinquantenaire de mars 2018, un petit groupe a pris l’initiative de préparer un colloque : Jean-Pierre Duteuil, Raymond Hara, Christian Laval, Alain Lenfant et Simon Ridley. Ce groupe s’est progressivement élargi à Robi Morder et Jean-Philippe Legois. Les échanges informels se sont multipliés entre des chercheur.e.s ainsi que des témoins pour envisager de commémorer ces moments et tenter de questionner les présupposés du Mouvement du 22 mars reposant sur l’internationalisme, la démocratie directe et une dialectique entre les critiques de l’université et de la société : un questionnement pas totalement innocent alors que le rôle de l’université fait l’objet de débats récurrents entre la transmission de savoirs professionnels et la recherche d’une formation à l’esprit critique. Un colloque « Sur les traces du Mouvement du 22 mars 1968 à Nanterre, que reste-t-il de la critique de l’université et de la société ? » s’est déroulé à l’amphi Max Weber de l’université de Nanterre les 23 et 24 mars 2018. C'est donc au prologue d'un des plus grands bouleversements de la société française que ce numéro de la revue Spécificités est consacré.